Après ses déceptions sur 400 m et 100 m dos, Laure Manaudou est revenue au Water Cube pour sa série du 200 m dos, terminée avec le 10e chrono. La championne olympique d'Athènes a brisé le silence pour expliquer les raisons de ses échecs : «Sur le 400 m, il y avait beaucoup de stress. Il y avait beaucoup d'attente par rapport aux filles, par rapport au temps, par rapport aux finales le matin. Je me suis mise la pression toute seule.» Et son avenir post-pékinois s'oriente vers un «long break d'un mois, six mois ou un an» pour faire le point, voir ses proches et «ne plus penser à la natation».
«Laure Manaudou, comment avez-vous vécu ces deux derniers jours ?
C'était super dur. Quand j'étais toute seule, ça allait. Dès qu'on m'en reparlait, je commençais à pleurer et à me remettre le moral à zéro. Simon (Dufour, le capitaine de l'équipe de France) est venu me voir pour me dire que toute l'équipe était là dans les bons comme dans les mauvais moments et que tout le monde avait besoin de tout le monde. C'était bien que toute l'équipe soit là.
Avez-vous eu envie de partir ?
Pas forcément de partir. Après le 100 m dos, j'en avais marre de nager pour faire ça. Je ne voyais pas trop l'intérêt. Je n'avais plus envie. Mais je n'avais pas envie de déclarer forfait, de regarder la finale dans deux jours et de me dire : "Merde, j'aurais pu y être et faire quelque chose". En Championnat, cela m'était arrivé et j'avais bien terminé. Dix ans après, je n'ai pas envie de regretter de ne pas avoir nager le 200 m dos ici. Quitte à faire un mauvais temps, je préfère essayer. Au point où j'en suis, je ne peux pas faire moins bien. Autant continuer.
Vous vous êtes fait violence pour être présente aujourd'hui ?
Je ne me suis pas trop pris la tête et je me disais que toute façon, il y en avait seize qui passait. Cela n'allait pas être trop dur. Le plus dur, c'est demain matin (Ndlr : vendredi matin à partir de 10h23, 4h23 en France).
Comment expliquez-vous vos mauvais résultats ?
Sur le 400 m, il y avait beaucoup de stress. Il y avait beaucoup d'attente par rapport aux filles, par rapport au temps, par rapport aux finales le matin. Je me suis mise la pression toute seule. J'ai fait la même chose sur le 100 m dos. C'est normal de stresser, mais je prenais beaucoup moins de plaisir qu'avant. J'avais plus de peur quand j'étais derrière le plot. C'est ce qui m'a crispée. C'est juste un problème de mental. Je n'ai jamais été autant en difficulté. Dans la tête, ce n'est pas facile.
L'année 2007 a-t-elle pesé dans ses résultats ?
C'est difficile. Ce sont les résultats qui le montrent. Je ne pensais pas que ça allait se passer comme ça avec l'entraînement que j'ai fait et ma préparation à Font-Romeu. Je faisais vraiment de bons temps et j'avais de bonnes sensations. Je n'ai jamais été stressée comme cela. Ca prouve que le stress enlève beaucoup de capacités. Il faut savoir gérer le stress.
Avez-vous déjà pensé à l'après Jeux Olympiques ?
J'ai besoin d'un long break pour oublier tout ce qui s'est passé sur l'année 2007 ou ici. Je n'ai pas envie de penser à la natation après les Jeux. Je vais prendre mon temps. Je ne sais pas encore combien de temps va durer ce break. Cela peut être un mois comme six mois ou un an. J'ai vraiment envie de penser à autre chose et de profiter de ma famille, de mes amis et d'Esther (sa meilleure amie, Esther Baron) qui n'est pas là. Je ne vais pas me précipiter à vouloir reprendre en octobre pour penser aux Championnats d'Europe en petit bain ou aux Championnats du monde.
Avez-vous l'impression d'être vraiment entrée dans ces Jeux ?
En séries du 400 m, j'avais fait 4'04". J'étais entrée dans les Jeux. C'est après cette série que j'ai connu beaucoup de stress. Cela va être pareil au 200 dos parce que je pars avec le 3e temps. Là, j'ai réalisé le 10e temps, mais les huit premières sont en 2'09". C'est vraiment serré. J'espère que je saurais nager vite demain matin (vendredi matin). Il ne me reste plus qu'à me reposer et à me reconcentrer. Ça me rassure un petit peu. Dans ma tête, je n'étais pas sûre de me qualifier. Mais c'était normal d'être dans les seize premières. Cela s'est passé normalement avec un temps normal. Je savais que j'étais capable de me qualifier en demie. Demain, ça sera beaucoup plus compliqué. On verra. Maintenant je ne m'attends à rien. Comme ça, je ne suis pas trop, trop déçue.
Le 200 dos est une distance assez neuve pour vous. Quelles sont vos attentes ?
J'ai quand même beaucoup d'attente parce que j'ai réalisé 2'06" et c'est le troisième temps. Même si tout le monde dit que je n'ai pas d'expérience, je pense que je suis quand même attendue. Peut-être moins que le 400 m, mais je me mettrais quand même la pression. J'espère que cela se passera mieux.»
Recueilli par Sophie DORGAN, à Pékin