Enfants de la balle, cadres établisLe Racing s'est largement appuyé sur les fruits de son centre de formation pour forger ses deux premiers succès de la saison. En plus d'une jeunesse mordante, la durabilité de la réussite strasbourgeoise dépend d'un amalgame avec les autres, plus expérimentés. Et jusqu'ici tout va bien. On se souvient encore de cette sortie du président Ginestet, lancée dans les couloirs de la Meinau, fâché tout rouge devant un nouveau naufrage de ses protégés sur leurs terres. « Les cadres qui n'auront pas su répondre aux attentes, on les accrochera aux murs. »
Exit donc nombre de cadres à l'été. Certains sont demeurés à quai pendant l'intersaison, laissés sur le bord du chemin sans un regard (Dos Santos, Johansen, Abdessadki en particulier). Peu d'autres sont arrivés, en tout cas pour l'heure aucun ne joue un rôle majeur sur le terrain. Ainsi, au coup d'envoi à Dijon, aucune nouvelle recrue n'était alignée.
« Ça se passe toujours bien quand on gagne » Et la fine fleur du centre de formation est priée de prendre le destin du Racing en main. Jean-Alain Fanchone, 19 ans, Anthony Weber, 20 ans, Mamadou Bah, 19 ans, Quentin Othon, 19 ans et Simon Zenke, 19 ans, étaient du coup d'envoi au stade Gaston-Gérard l'autre soir. Loïc Damour, 17 ans, est entré en jeu et s'en est fort bien sorti.
Pour l'heure, l'adversité rencontrée a pu apparenter la cure de jeunisme de l'été alsacien à un véritable péril jeune. Mais comme le souligne Pierre Ducrcoq, l'un des papys du groupe strasbourgeois du haut de ses 32 ans et de sa vie de famille bien rangée, « ça se passe toujours bien quand on gagne. »
« Les anciens nous amènent avec eux » Pour d'autres Bleus, ceux de l'équipe de France, le conflit de génération a d'ailleurs été avancé comme l'une des causes majeures de l'échec rencontré en Suisse, lors du championnat d'Europe. A terme, le Racing est-il à l'abri du grand écart entre les âges qui peut éloigner les joueurs les uns des autres ?
Pour l'heure, il n'y a pas l'ombre d'une angoisse devant le mélange en vigueur au sein du groupe pro. Entre jeunes loups et vieux briscards au cuir tanné par l'accumulation de matches, le mélange se fait sans anicroche. « On n'a peut-être pas les mêmes centres d'intérêt, poursuit Pierre Ducrocq, on ne se retrouvera pas tous les soirs après l'entraînement. Mais j'ai connu cette confrontation entre générations dans d'autres clubs. Et cela ne se passait pas aussi bien. »
Au Havre, où il a passé cinq saisons, le défenseur central devait faire face à quelques ambitieux dont les dents rayaient le gazon et dont la capacité à écouter les « anciens » se révélait toute relative. Nombre d'entre eux ont pris très tôt la poudre d'escampette sans aucune forme de civilité dès lors que quantité de livres sterling leur étaient promises pour une traversée de la Manche et une découverte du championnat d'Angleterre.
Dans les rangs des jeunes pousses convoquées par Jean-Marc Furlan, plutôt que des envies d'ailleurs, on montre de l'envie de jouer. Et, ce qui ne gâche rien, on ne manque jamais d'avoir une attention, au moins dans la forme, pour les hommes d'expérience, censés donner l'orientation pour remonter en L 1.
« Les anciens nous amènent avec eux, lâche timidement Simon Zenke, le pétaradant attaquant nigérian. Dans le vestiaire, on s'entend bien, quand quelque chose ne va pas, on se le dit tout de suite. Et, de notre côté, le but est assez simple : on doit donner notre meilleur, on doit apporter notre jeunesse. »
L'exercice se déroule parfois sans filet, à l'instar de ce qui s'est passé dans la dernière ligne droite du match remporté à Dijon. Mais la danse au-dessus du volcan d'une demi-heure a contribué au changement de tendance, lui-même initié par une belle soufflante de Furlan. Il n'est pas sûr que le discours se soit montré aussi efficace avec un groupe aguerri et donc plus habitué aux colères des techniciens.
« Huit à dix garçons qui vivent ensemble depuis plusieurs années » « Il y a eu du peps, mais il y a aussi huit à dix garçons qui vivent ensemble depuis plusieurs années », constate l'entraîneur strasbourgeois. L'amalgame entre générations peut s'appuyer sur quelques relais inter-générationnels déterminants. James Fanchone peut jouer naturellement le rôle de « grand frère » ou plutôt de « grand cousin » auprès de Jean-Alain Fanchone, ainsi que de ses potes.
« Il y a de la concurrence, note le jeune arrière latéral, mais pas nécessairement entre des jeunes et des joueurs plus âgés. A mon poste, cela se joue entre Quentin (Othon) et moi. Entre les joueurs, il y a tous l'envie de se mettre minable pour décrocher les résultats. Il n'y a pas de clan, les joueurs se mélangent. On a développé un état d'esprit à la faveur des matches amicaux. » Un état d'esprit qu'il s'agit désormais d'entretenir. D'un Racing vainqueur, on ne s'attardera pas vraiment longtemps sur l'âge.
François Namur
Édition du Lun 11 août 2008