Gargorov à la baguette
Le milieu de terrain bulgare devrait être le dépositaire du jeu strasbourgeois, après deux années quasiment blanches en Alsace. La saison du Racing n'est pas loin de dépendre d'un joueur en disgrâce il y a quelques mois.
Comme pour l'exercice 2007-2008, les amateurs de nostalgie pourront jeter un oeil attendri sur le Racing cette saison. Enfin plus particulièrement les fans d'un Mickael Jackson fringant, des pantalons blancs à pinces, de Magnum, du Club Dorothée et, sur les terrains de foot, des chaussettes baissées jusqu'aux chevilles. Car c'est sous une influence estampillée années 80 que Jean-Marc Furlan se fait le défenseur d'une espèce en voie de disparition : le n°10.
Comme à Troyes, l'entraîneur strasbourgeois a adapté sa tactique pour placer au coeur du jeu de son équipe un maître à jouer en charge d'orienter les flux de ballons vers l'avant et de créer le danger dans la défense adverse.
Pas plus Yacine Abdessadki, resté à quai dès la fin de l'automne et une blessure dont il n'a jamais semblé se remettre, que Pascal Johansen, sur courant alternatif dans ses envolées techniques, n'ont su assumer le rôle. Et les autres options ont disparu en cours de route.
Jean-Marc Furlan:
« Il avait le bourdon »Émil Gargorov n'a pas constitué la moindre des déceptions dans ce cadre. Présenté comme une pépite à son arrivée, à l'été 2006, l'international bulgare avait d'abord passé une saison à soigner un physique en vrac. Pour son second exercice, il s'illustrait plutôt dans la catégorie des joueurs compliqués à gérer.
Programmé pour donner sa pleine mesure après la trêve hivernale, le milieu de terrain s'était refusé à repasser par la case CFA pour retrouver le rythme au mois d'octobre. Au sein d'une boutique où les egos ne manquaient pas, il était donc prié de retrouver son pays natal, de se refaire une santé, d'achever la saison au CSKA Sofia et de bénéficier d'une nouvelle chance en Alsace, dès lorsqu'il en aura fini avec son mal-être.
« Je ne voulais pas qu'il parte, indique d'ailleurs Jean-Marc Furlan soucieux de donner un successeur à Corentin Martins ou Francis Piasecki. Il y a eu de l'incompréhension quand je lui ai demandé de jouer avec la réserve. Visiblement aussi, il avait le bourdon, il était morose. »
L'entraîneur strasbourgeois nourrit les meilleurs sentiments depuis quelques semaines à l'égard de son joueur.
En fait, la présence de Gargorov dans l'effectif strasbourgeois aujourd'hui relève d'une cocasse incongruité. Il était destiné à être transféré dans le club avec lequel il vient de décrocher le titre national, contre 350 000 euros. Le Racing attend toujours la couleur de l'argent.
Rencontre avec le président le 24 juilletAux dires des uns et des autres, le meneur de jeu n'est pas loin d'apparaître comme l'arme fatale strasbourgeoise, celui dont tout le Racing risque de dépendre, dans le futur championnat de L 2.
« C'est un joueur très intelligent, qui a un timing dans la passe très intéressant, note Jean-Marc Furlan. Étant donné son physique, il a su développer une stratégie de ruse et de malice assez rare. » Il ne fait donc pas l'ombre d'un doute que l'ancien laissé-pour-compte sera aux manettes du jeu strasbourgeois.
Nourries par Jean-Pierre Papin - « si cela fait plaisir à Gargorov de passer son temps à l'infirmerie... » avait notamment déclaré le prédécesseur de Furlan à l'automne 2006 -, les réticences liées à un physique de « crevette » (1m67, 61 kilos) ne sont pas loin d'avoir totalement disparu. « Il est vif et endurant », considère ainsi Jean-Claude Thiry, le préparateur physique strasbourgeois.
«J'ai oublié tous les mauvais épisodes»Reste à s'assurer de l'état d'esprit de l'intéressé. « Je veux donner une bonne saison, soulignait hier l'homme aux neuf sélections sous le maillot bulgare. J'ai pu suivre une préparation normale. Les blessures sont derrière moi. » L'intéressé, qui a dû se contenter de 12 matches en deux ans à Strasbourg, dont huit en CFA, a de l'appétit.
Il reste toutefois évasif quant à un investissement sans limite au Racing. Une proposition de prolongation de contrat est dans l'air.
« Je suis bien ici, j'ai oublié tous les mauvais épisodes, rassure-t-il. Mais on doit régler ça avec mon agent. On doit rencontrer le président le 24 juillet. » L'occasion de définitivement faire basculer le destin de Gargorov en Alsace pour tourner le dos aux chemins de traverse et renouer ainsi avec des voies plus balisées ?