« Ne rien lâcher »Un Metz - Racing n'est pas un match comme les autres. S'il n'en a vécu que deux sur le banc de touche, aux verdicts complètement antinomiques, Jean-Marc Furlan a perçu la portée du rendez-vous entre voisins. De la notion de derby à l'importance de la 15e rencontre de L 2, l'entraîneur envisage la perspective du choc de lundi avec gourmandise. - Vous êtes lancé dans la préparation d'un nouveau rendez-vous au sommet, deux semaines après Lens. Dans quel état d'esprit vous y consacrez-vous ?
- L'important, étant donné que ce n'est pas un match comme les autres, notamment pour les supporteurs, c'est de dépassionner l'échéance. On évolue dans un contexte où la pression est naturelle. Si une pression extérieure s'y rajoute, il y a le risque de déjouer.
Ici, ce match est quasiment le plus important de la saison dans l'esprit du public. C'est un peu moins vrai à Metz, où les attentions sont plus focalisées sur Nancy. Ensuite, il y a la situation sportive. On est premier, on compte 29 points soit quatre de plus que Metz qui aura plus à perdre que nous sur cette rencontre.
« Pouliquen a toujours eu de meilleurs résultats à l'extérieur »- Ce match intervient huit mois après le précédent derby. Vous n'alliez pas tarder, comme Metz, à devenir le cancre de la L 1 alors qu'aujourd'hui, vous êtes le meilleur élève de la L 2. Est-ce plus agréable ?
- C'est plus agréable dans la mesure où, autour du club, les gens s'intéressent à l'équipe parce qu'elle gagne. On s'est consacré, la saison passée, à une saison en L 1 en s'appuyant sur un budget limité, avec l'angoisse constante du maintien. Ce n'était pas le meilleur contexte pour que les joueurs évoluent libérés. En finale de Champion's League, de Coupe de France, il y en a qui se révèlent. Le même joueur, quand il doit se battre chaque semaine pour le maintien, peut très bien rentrer dans le rang et être tétanisé.
- Et quel regard portez-vous sur le comportement de l'équipe messine ?
- Comme pour le Racing, son classement prouve que le club a su rebondir. Il peut s'appuyer sur un acquis. D'ailleurs, je considère que ce n'est pas assez souligné par les observateurs. La capacité qu'a eue le Racing à rebondir est extrêmement rare.
- N'est-ce pas simplement une suite logique pour réparer la catastrophique série de onze défaites d'affilée, entamée face... à Metz, alors lanterne rouge, dans un match complètement raté à la Meinau ?
- S'il faut revenir encore sur le Racing - Metz du mois de mars, il faut le replacer dans un contexte. Metz se retrouvait dans un cycle positif, nous, on était un peu moins bien. Les joueurs étaient très tendus, il y a eu des erreurs individuelles en défense, notamment de Bellaïd.
Et puis il faut savoir aussi que, dans sa carrière d'entraîneur, Yvon Pouliquen a toujours eu des meilleurs résultats à l'extérieur (ndlr : cet interview a été réalisé avant la victoire de Metz à Lyon dans le cadre de la coupe de la Ligue !)
- Accessoirement, lundi, vous êtes susceptible de croiser Pascal Johansen, parti à Metz, et que vous n'avez pas ménagé à l'heure de dresser le bilan de la saison passée. Redoutez-vous les retrouvailles ?
- Dans ce bureau, j'ai des entretiens permanents, francs et réguliers avec les joueurs. Avec Pascal, il y a toujours eu de ma part la politique de la main tendue, j'ai toujours été à l'écoute de ses problèmes. Ensuite, je ne perds pas non plus de vue la notion d'institution dans le foot.
« Avec Pasqui, j'ai vraiment ressenti de la souffrance » L'individu Jean-Marc Furlan n'a pas d'importance dans le Racing Club de Strasbourg. Il y tient un rôle simplement. De la même manière, Pascal Johansen, Éric Mouloungui ou un autre sont sans intérêt, une fois sortis du collectif.
Dans ma position, on ne s'amuse à faire du favoritisme, à privilégier des parti-pris ou je ne sais quoi. Dans le système actuel, les joueurs sont dans une position idéale. Ils peuvent changer de club tous les six mois. Au cours de la saison, j'ai toujours protégé les joueurs, je m'efforce de les aider, mais à la fin, il y a des constats.
Dans mon rôle, je dois user de la carotte et du bâton. Avec « Pasqui », j'ai vraiment ressenti de la souffrance, parce que je n'ai pas réussi avec lui. Mais sur l'analyse que j'ai pu faire en fin de saison, je peux vous dire qu'en interne, personne n'a contesté mon jugement.
D'ailleurs, dans ce milieu, je ne redoute de croiser personne et pourtant je me suis retrouvé au tribunal mis en cause par un joueur (ndlr : Jean-Louis Montero, que Furlan avait écarté à Troyes). Et en général, c'est plutôt les joueurs qui dévient leur chemin pour venir me dire bonjour.
- En ce sens, considérez-vous que le licenciement de Belghazouani constitue un moyen de préserver le vestiaire ?
- C'est un dossier qui dépasse largement le cadre sportif. Ce n'est pas du tout le même problème, car Chahir était un bon camarade, un joueur respectueux de l'autorité, des consignes, très facile à coacher. J'ai lu sur son cas des contrevérités et, sur ce qu'il a montré sur le terrain, c'est un joueur de qualité. Dans le passé, au Racing, il y a eu des joueurs qui ont aussi eu des problèmes. On a alors préféré passer l'éponge.
Là, on s'affranchit du foot-business, de l'affairisme, qui aurait incité à le conserver. On a rappelé le rôle pédagogique d'un club de foot. Le président a été courageux de rappeler que l'on n'est pas dans une démarche de téléréalité avec toutes les outrances tolérées.
« L'idée, c'est de recruter un arrière gauche comme joker »- Il n'empêche que vous avez perdu un dribbleur-créateur dont le profil est rare dans votre effectif. Avec la grave blessure de Quentin Othon, réclamez-vous un joker ?
- Avec le président, on est arrivé à la conclusion qu'il fallait prendre quelqu'un. L'événement dramatique qui a frappé le petit Quentin (ndlr : victime d'une fracture du péroné et out pour cinq à six mois), et qui nous a empêché de vraiment savourer la victoire, provoque un déséquilibre sur le côté gauche. Jean-Alain Fanchone a besoin d'être mis en concurrence pour donner son meilleur. L'idée, donc, c'est de recruter un arrière gauche.
- Et à moyen terme, envisagez-vous de recruter au mercato hivernal ?
- Contrairement à la saison passée, où je ne voulais pas mettre en péril le club financièrement et où la cellule de recrutement avait dépensé son énergie pour recaser une partie des 39 joueurs sous contrat aux quatre coins de la France et de l'Europe, je pense que oui.
Pour le mois de janvier 2009, il faudra déjà songer à compenser les départs si des joueurs demandent à partir. Et l'objectif est de monter. Les joueurs ont forgé cette ambition avec le début de saison. On ne recule pas quand on est premier. L'idée, c'est de ne pas lâcher le morceau. Et on sait qu'avec les jeunes qui sont derrière, prêts à concurrencer les cadres, il y a un manque de lisibilité. Dans l'ensemble, les besoins se font sentir au niveau des couloirs. Et ces temps-ci, dans notre position, on a peut-être plus les moyens de convaincre des joueurs de nous rejoindre qu'il y a un an.
« Conserver le respect de ceux qui sont destinés à rester »- A votre arrivée, vous vous situiez dans une démarche de trois ans. Vous êtes quasiment à la moitié de cette période et on vous a prêté des contacts avec Saint-Étienne récemment. Où en êtes-vous par rapport à votre engagement strasbourgeois ?
- Étant donné que je suis sous contrat et que je tiens à ma mission ici plus que tout, un départ à St.-Étienne n'a jamais été envisagé. Si j'ai eu des contacts avec l'ASSE, c'était il y a dix-huit mois, avant que je m'engage avec Strasbourg.
Ensuite, concernant le Racing, penser que je suis susceptible d'y construire quelque chose est peut-être illusoire. Un entraîneur doit avoir du temps pour impacter un club. Et c'est peut-être d'autant plus vrai pour le Racing, avec son histoire longue, ses périodes brillantes et plus douloureuses. D'ailleurs, à part Gress, y a-t-il vraiment un entraîneur qui a marqué ce club ?
Dans le foot contemporain, si médiatique, l'entraîneur ne peut procéder qu'à petits pas. J'essaye d'avoir le contrôle sur mon groupe en quantité et en qualité tout en gardant à l'esprit que mon autorité dépend des résultats. En ce moment, mon obsession c'est de rendre au minimum ce club à la place où on me l'avait confié.
- Mais en bientôt dix-huit mois, que considérez-vous avoir réussi ?
- J'ai déjà le sentiment quand je croise les anciens du club, ceux qui y travaillent depuis des années, les médecins, Éric Moerckel (ndlr : le kiné), Jean-Marc Kuentz ou François Keller, de trouver une certaine approbation dans leur regard. Comme disent nombre d'entraîneurs, je ne suis que de passage. Mon but, c'est de conserver le respect de ceux qui sont destinés à rester.
Propos recueillis par
François Namur